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Exercices juridiques / Commentaire d'arrêt


Mariage - Succession - Filiation naturelle - Régimes matrimoniaux

Cass. Civ. 1re, 29 janvier 2002, Mlle Virginie D

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SOMMAIRE

Introduction

I) L’admission en succession de l’enfant naturel reconnu

A) L’exclusion des collatéraux de la succession

B) La précision apportée sur l’extension de la protection à l’enfant naturel

II) La finalité de la protection des héritiers sous le régime de la communauté universelle

A) L’atténuation de la clause d’attribution intégrale de la communauté en présence d’un héritier

B) La disparition de l’inégalité de réserve héréditaire entre enfant naturel et enfant légitime



Introduction

La liquidation d’une communauté et l’ouverture de la succession sous le régime de communauté universelle sont très souvent complexe. Elles font dans la plupart des cas, objet de litige entre les potentiels successeurs, autres que le conjoint survivant, et celui-ci ; litige qui pourrait porter sur la question d’égalité successoral et donc de réserve héréditaire entre enfant naturel et enfant légitime. Tel est le cas dans l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation en date du 29 janvier 2002.

En l’espèce, le 19 novembre 1983, Daniel X a épousé Madame Y sous le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant « qu’il existe ou non des enfants », mais, par exception à cette clause, lui resteront propres les actions qu’il détient dans deux sociétés. Daniel X décéda le 29 décembre 1987.

Sa veuve et ses neveux et nièces (les collatéraux) ont assigné Mme Y pour l’ouverture d’une procédure de liquation de la succession et de la communauté au regard de l’exception. Un arrêt est rendu en leur faveur par la Cour d’Appel de Reims le 1er juillet 1993. Cependant, Mlle Virginie D, fille naturelle possédant état d’enfant naturelle de Daniel X signifia son opposition à partage aux collatéraux et à Mme Y d’une part, et forma d’autre part, une tierce opposition pour demander la rétractation des dispositions de l’arrêt 1993. Elle prétend qu’elle a un droit acquis à la réserve légale dans la succession de son père et que Mme Y ne peut se prévaloir de la clause pour prétendre à plus que la quotité disponible. L’arrêt a été partiellement cassé le 20 février 1996, en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de partage de la communauté. Ensuite, la cour de renvoi a déclaré par arrêt n°656 du 14 septembre 1999 que Mlle D était irrecevable en sa tierce opposition au motif qu’elle était présente et représentée dans la procédure de renvoi après cassation de l’arrêt de 1993. Et par arrêt n°655 du même jour, a débouté tant les collatéraux à cause de la présence d’une enfant de Daniel X, que cette dernière, en retenant que la protection prévue par l’article 1527 alinéa 2 du code civil n’a pas été étendue au bénéfice de l’enfant naturel. C’est ainsi qu’un autre pourvoi en cassation fut formé.

Alors, la question de droit posée devant la cour de cassation était de savoir : l’enfant naturel né d’une précédente liaison est-il admis à succéder son auteur sous le régime de la communauté universelle ?

Pour répondre à cette question, la cour de cassation avait une fois de plus cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel le 14 septembre 1999 (sauf en ce qu’il a débouté les collatéraux de leurs demande) en affirmant que la finalité de la protection assurée aux enfants légitimes est étendue aux enfants naturels « au regard du principe de non-discrimination selon la naissance… »

Ainsi, l’on retient ici que la cour de cassation consacre clairement l’admission en succession de l’enfant naturel (I) et la protection des héritiers sous le régime de communauté universelle qu’il convient d’examiner en profondeur.

I) L’admission en succession de l’enfant naturel reconnu

L’admission en succession de l’enfant naturel de Daniel X entraine par voie de conséquence, exclusion des collatéraux de la succession (A). Cela est en fait devenu possible suite à la précision donnée sur l’extension de la protection des héritiers à l’enfant naturel (B).

A) L’exclusion des collatéraux de la succession

Sous le régime de communauté universelle, les collatéraux ne sont point admis à succéder en cas d’existence d’un enfant du défunt, qu’il soit légitime ou naturel. Dans le cas de l’espèce, Mlle Virginie D, née le 25 septembre a eu par décision du juge des tutelles, reconnaissance de la possession d’état d’enfant naturel de Daniel X. L’enfant naturel a en général les mêmes droit et devoirs que l’enfant légitime dans ses rapports entre ses père et mère et entre ainsi dans la famille de son auteur. Ce qui revient à dire qu’il a droit de succéder son auteur. C’est un droit acquis à la réserve légale dans la succession de celui-ci. Mais la cour d’appel n’a pas retenu ce point.

Elle a en revanche retenu que la sa présence dans la succession d’un enfant du défunt exclue la possibilité offerte aux collatéraux de succéder, sauf en présence d’un testament leurs confèrent ce privilège. C’est dans ce sens que la cour de cassation avait approuvé la décision de la cour d’appel tendant à débouter les consorts X de leurs demande en liquidation de la succession.

En effet, la cour de cassation avait affirmé que « la Cour de renvoi a, par des dispositions non frappées de pourvoi, définitivement jugé que Mlle D établissant la possession d’état d’enfant naturelle du défunt, les consorts X ne disposaient, en l’absence de testament d’aucun droit de succession à l’égard de leur frère et oncle précédé ; d’où il suit que le présent pourvoi est devenu sans objet ».

La cour de cassation apporte également une précision sur l’extension de la protection des héritiers à l’enfant naturel.

B) La précision apportée sur l’extension de la protection à l’enfant naturel

Si la cour d’appel estimait que la protection que les textes prévoient n’a pas été « étendue au bénéfice de l’enfant naturel » c’est parce que la question était celle de son droit à demander la diminution d’un avantage matrimonial attentatoire à sa réserve, mais que la rédaction conservée par le législateur de 1972 à l’article 1527 alinéa 2 du code civil ouvrait aux seuls ‘’enfants nés d’un précédent mariage’’. Cependant, le présent arrêt énonce que l’action en retranchement était ouverte à l’enfant naturel autant qu’à l’enfant légitime. Dans son dernier attendu, la cour de cassation a apporté une précision claire de l’extension aux enfants naturels de la protection des héritiers consacré à l’article 1527 alinéa 2 du code civil « tel qu’il doit être interprété au regard » de l’article 1er du Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droit de l’homme et des libertés fondamentales et de l’article 14 de cette convention.

En substance, l’article 14 de cette convention dispose : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur… la naissance… »

Mais pour casser les dispositions de l’arrêt rendu par la cour d’appel en date du 14 septembre 1999, la cour de cassation retient que les enfants légitimes nés d’un précédent mariage et les enfants naturels nés d’une précédente liaison se trouvent dans la même situation quant à leurs droits à succéder en cas de remariage de leur auteur sous le régime de communauté universelle. Donc, « la finalité de la protection assurée aux premiers commande » doit être « étendue aux second, au regard du principe de non-discrimination selon la naissance édictée » par la convention ci-haut précisée.

Par ailleurs, en consacrant ces genres de mesures, tant le législateur que le juge ont entendu protéger les héritiers sous le régime de communauté universelle contre certaines mesures attentatoires.

II) La finalité de la protection des héritiers sous le régime de la communauté universelle

Il faut d’emblée préciser que la finalité visée par la protection tourne autour de l’atténuation de la clause d’attribution intégrale de la communauté en présence d’un héritier (A) et de la disparition de l’inégalité de réserve héréditaire entre enfant naturel et enfant légitime (B).

A) L’atténuation de la clause d’attribution intégrale de la communauté en présence d’un héritier

Les contrats de mariage conclu sous le régime de communauté universelle peuvent comporter une clause de partage inégal, c’est-à-dire une clause stipulant des parts inégales ou l’attribution de la communauté toute entière au survivant des époux quel qu’il soit ou à l’un deux nomment désigné s’il survit. Dans le cas de l’espèce une clause d’attribution intégrale de la communauté à l’époux survivant est stipulée et se joue désormais au profit de Mme Y.

Cependant, la présence d’un enfant issu de l’époux décédé, pose à l’espèce une limitation quand la quotité à attribuer à l’épouse survivante malgré l’existence de cette clause. Dans cet optique, l’art 1527 alinéa 2 du code civil sur lequel le juge de cassation s’est basé pour donner sa position dispose : « Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l’un des époux au-delà de la portion réglée par l’article 1094-6, au titre ‘’Donations entre vifs et des testaments’’, sera sans effet pour l’excédent… »

Autrement dit, l’époux survivant, malgré ces genres de clauses, ne peut estimer avoir l’intégralité de la communauté au détriment d’un héritier qui ne serait pas issus d’eux, mais de l’un au moins d’entre deux, en l’occurrence de l’auteur de ce héritier. Les quotités que l’époux survivant peut disposer sont détaillées à l’article 1094-1 du code civil. D’un point de vue pratique, cet arrêt se démarque de la jurisprudence tendant à protéger les enfants issue d’une liaison précédente contre certaines clauses matrimoniales que leurs ascendants auraient conclus au mépris de leurs droits.

Certes, le principe dans le contrat de mariage est celui de liberté conventionnelle, mais cette liberté n’est pas absolue. Les clauses ne doivent pas mettre en péril la réserve héréditaire d’un enfant né d’un premier lit, qu’il soit légitime ou naturel.

B) La disparition de l’inégalité de réserve héréditaire entre enfant naturel et enfant légitime1

L’intérêt pratique de cet arrêt est d’avoir énoncé que l’action en retranchement était, dans l’espèce soumise, ouverte à l’enfant naturel autant que légitime. Il y au moins deux voies qui peuvent mener à ce résultat. L’un d’entre eux était de relever d’office du nouveau texte de l’article 1527 alinéa 2, expressément permise dans l’espèce par des dispositions transitoires. L’autre était de se fonder sur l’ancien article 1527 qui était encore en vigueur au jour où avait été rendue la décision attaquée, mais en lui donnant une interprétation particulière au regard de l’article du protocole 1er du Protocole additionnel de la Convention européenne et de l’article 14 de cette convention, et, en soulignant, à propos de la mise en péril des droits successoraux par une communauté conventionnelle avantageuse, l’analogie entre la situation de l’enfant naturel antérieur au mariage et celle de l’enfant issu d’une précédente union matrimoniale.

Dans cette perspective, la Cour européenne, saisie par l’enfant défavorisé avait estimé, le 1er février 2000 (Dalloz 2000.332, note Jean Thierry ; Petites affiches 5 juillet 2000 n° 133 p. 18, note Jacques Massip) que rien ne justifiait, lors du partage de la succession d’une mère entre ses deux enfants - en l’espèce l’un en réalité naturel légitimé par mariage, l’autre adultérin - une discrimination fondée sur la naissance du second hors mariage, et que, faute de rapport raisonnable entre l’éventuelle légitimité de l’objectif proclamé (la protection de la famille traditionnelle) et le moyen utilisé (la portion héréditaire réduite), l’article 760 du Code civil français constituait une violation du droit égal de chacun au respect de ses biens, tel qu’il résulte de la combinaison de l’article 1er du Protocole additionnel et de l’article 14 de la Convention.



Références :
1. Les effets successoraux de la filiation naturelle

Ismail Abakar
02 janvier 2022



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