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Documentation / Jurisprudence Tchadienne / Premières Instances



REPERTOIRE N° 899/13 DU 19/11/2013 - TGI DE N'DJAMENA - JUGEMENT CIVIL



REPUBLIQUE DU TCHAD
COUR D’APPEL DE N’DJAMENA
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE N’DJAMENA
REPERTOIRE N° 899/13 DU 19/11/2013
JUGEMENT CIVIL

Affaire : ALI X
Contre : GERMAIN Y
Objet : ACTION EN PAIEMENT

À l’audience publique du Tribunal de Grande instance de N’Djamena, siégeant en matière civile et coutumière, et en premier ressort, tenue dans la grande salle des audiences du palais de justice de ladite ville le 19/11/2013 par :

MK, Président ;
Assisté de Me HL, Greffier
En présence de KB et MR, Assesseurs ;
Et YI, interprète ;

Il a été rendu le jugement dont la teneur suit :
Entre
ALI X, demandeur comparant, ayant pour conseil Cabinet SZ,
D’une part
Et GERMAIN Y, défendeur comparant, ayant pour conseil cabinet B - K,
D’autre part

Sans que les présentes qualités ne puissent nuire ou préjudicier aux droits et aux intérêts des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit.

I) FAITS ET PROCEDURE

En date du 22 juillet 1995 Monsieur ALI X, aujourd’hui décédé, a offert une inscription hypothécaire sur son immeuble dénommé « ALI X » portant le titre foncier N° 2381 aux fins de garantir d’une dette contractée par son neveu JB, propriétaire de la société N, auprès de la B*** (actuelle banque W) à hauteur de quinze millions de francs (15.000.000 F) CFA. Après le décès du susnommé ALI X, ses ayants droit ont mandaté Maître GERMAIN Y, notaire, à l’effet de procéder à la vente de l’immeuble. Ce qui fut chose faite, et le partage de la succession a été effectué après apurement du passif et notamment le remboursement du prêt de la banque.
Par requête introductive d’instance en date du 12/4/2012 enregistrée au greffe du Tribunal de première instance de N’Djaména sous le N° 708/PT/NDJ/2012 sieur ALI X a attrait Maître GERMAIN Y devant le tribunal de céans à l’effet d’obtenir la restitution de la somme de seize millions de francs (16.000.000 F) CFA versée à la banque W pour remboursement et de voir condamner solidairement la banque W et GERMAIN à lui payer la somme de dix millions de francs à titre de dommages et intérêts ;
Le requérant expose au soutien de sa requête, par le biais de son conseil, SZ, que son père qui est décédé en 2001 a laissé à ses enfants dont lui-même une maison à N’Djaména au quartier farcha section 1, îlot 29, lot 4 évaluée à vingt cinq millions de francs (25.000.000 F) CFA, en 1994 ; Qu’après le décès de Monsieur ALI X, un conseil de famille s’est tenu sur le conseil de Me GERMAIN qui fut approché par les enfants de ALI X, suggérant la vente de la maison et le partage du fruit de la vente ; Qu’aucun des enfants ALI X n’avait été mis au courant par la banque banque W de l’existence de l’hypothèque, raison pour laquelle dans le procès verbal du conseil de famille il a été noté pour la première fois que l’immeuble étant grevé d’hypothèque, il y avait lieu à désintéresser la banque ;
Que l’immeuble qui a été vendu à quarante millions de francs (40.000.000 F) CFA à M. Z le 03 février 2012 par acte notarié, sur consentement de tous les enfants ALI X, n’a malheureusement que peu rapporté, le notaire ayant soustrait les 16.000.000 F CFA pour, dit il, payer les dettes de la banque W ; Qu’il ajoute que le cautionnement hypothécaire a un caractère douteux, en ce sens que l’acte qui le porte a été modifié en portant quinze millions de francs (15.000.000 F) CFA tandis que l’immeuble est d’hypothèque à hauteur de 25.000.000 F CFA ; Que le sieur GERMAIN Y, notaire de son état, a manqué à son obligation d’informer ;
Qu’il prie le tribunal de bien vouloir ordonner la restitution de la somme de seize millions de francs (16.000.000 F) CFA versée à la banque W pour remboursement et de condamner solidairement la banque W et GERMAIN Y à lui payer la somme de dix millions de francs (10.000.000 F) CFA à titre de dommages et intérêts ;
Le défendeur rétorque, sous la plume de son conseil, cabinet B, qu’il a été contacté pour la première fois par la veuve X, née AD, la propre mère du demandeur à l’instance, accompagnées de ses filles Y. ALI X, R. ALI X et autres qui désiraient quitter l’indivision, à l’exception de ALI X, qui en profitait seul depuis plusieurs années ; Qu’il se trouve que le défunt ALI X a hypothéqué sa propriété dénommée « ALI X », TF 2381 au profit de la BTCD pour garantir la dette de son neveu JB d’un montant de 15.000.000 F CFA ; Que le crédit a été accordé effectivement au sieur B., cependant que la société N dont ALI X est caution est tombé très vite en faillite ; Qu’après tous ces faits à lui rapportés par les enfants ALI X, il a procédé aux investigations et demandes de renseignements tant à la Direction Générale de la banque W qu’à la Direction de l’Enregistrement, des Domaines, du Timbre et de la Conservation Foncière d’où il résulte qu’effectivement l’immeuble « ALI X » est hypothéqué ; Que les enfants ALI X se sont portés à plusieurs reprises à la banque W d’où il leur a été notifié un montant de vingt neuf millions de francs (29.000.000 F) CFA dont ils sont redevables envers la banque, principal et intérêts ; Qu’il a fallu moult tracasseries pour convaincre la banque W à ramener ce montant à la somme de 16.000.000 F CFA ; Que c’est dans ce contexte qu’après avoir vendu l’immeuble et versé ladite somme à la banque W, celle-ci a ordonné la radiation de l’hypothèque grevant la propriété « ALI X » ;
Que dès le début il a informé les héritiers ALI X de la possibilité de payer la dette de la banque W et de se retourner contre leur cousin JB aux fins de remboursement et intérêts mais que la famille ALI X a opposé un refus catégorique au motif que JB fait partie de la famille, laquelle est sacrée, et qu’il n’est point besoin de faire de soucis à leur tante, la mère de ce dernier ; Qu’il trouve curieux que le demandeur feigne d’ignorer toutes ces vérités pour ester en justice pour des intentions malveillantes et nuisibles à sa réputation ;
Qu’il sollicite qu’il plaise au tribunal de débouter le demandeur de son action mais reconventionnellement le condamner à lui verser la somme de dix millions de francs (10.000.000 F) CFA à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus, le tout en application des articles 7, 134 du code de procédure civile et 1382 du Code civil ;

II) DISCUSSION

Attendu que le tribunal doit se prononcer d’une part sur la restitution de la somme de 16.000.000 F CFA et le paiement des dommages-intérêts à ALI X (A) et d’autre part sur la demande reconventionnelle de sieur GERMAIN Y (B) ;

A) Sur la restitution de la somme de 16.000.000 F CFA et le paiement des dommages-intérêts à ALI X

Attendu suivant l’article 1315 alinéa 1 du Code civil que : « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » ;
Attendu que le demandeur sollicite la restitution de la somme de 16.000.000 F CFA versée par le défendeur à la banque W, d’une part et d’autre part le paiement à titre de dommages-intérêts, de la somme de dix millions de francs (10.000.000 F) CFA ;
Attendu que le demandeur allègue, contre le défendeur et les intervenants forcés, le fait que le cautionnement hypothécaire révèlerait un caractère douteux et que le notaire chargé de la vente aurait manqué à son devoir d’informer, lorsqu’en raison de nombreuses irrégularités , il décide de procéder au paiement, à la banque W, de la somme de 16.000.000 F CFA sans raison ;
Mais attendu qu’il résulte des pièces versées au dossier ainsi qu’aux débats que les héritiers ALI X étaient bel et bien informés de ce que l’immeuble dit « ALI X » est effectivement hypothéqué par leur défunt père ;
Qu’ils sont mal venus à invoquer un quelconque défaut de renseignement ou d’information à la charge du notaire et à « l’attention de la caution (des ayants droit) sur la portée et les risques présentés par l’engagement, particulièrement présente d’une stipulation inhabituelle » ; Qu’une telle obligation, dans de telles situations ne saurait être envisageable qu’en amont, c'est-à-dire avant la conclusion de la convention hypothécaire ;
Attendu par ailleurs que M. ALI X prie le tribunal de condamner solidairement la banque W et GERMAIN au paiement des dommages-intérêts ; Mais attendu qu’il ne rapporte pas la preuve d’une quelconque faute de la banque W, qui n’a fait que réclamer et obtenir l’exécution d’une obligation contractée en son temps par le défunt père ;
Qu’il s’ensuit que les prétentions du demandeur tendant à l’obtention tant du remboursement de 16.000.000 F CFA que du paiement des dommages-intérêts ne sont pas fondées ; Qu’il convient de les rejeter ;

B) Sur la demande reconventionnelle de GERMAIN

Attendu que pour prétendre au paiement à titre reconventionnel, par M. ALI de la somme de dix millions de francs (10.000.000 F) CFA à titre de dommages-intérêts pour tous préjudices confondus, GERMAIN excipe les dispositions des articles 7 et 134 du Code de procédure civile ainsi que 1382 du Code civil ;
Attendu en effet que l’article 134 énonce que : « le défendeur pourra former des demandes reconventionnelles dans les formes et conditions prévues à l’article 80, et ce jusqu’à la clôture des débats » ;
Attendu dans le cas d’espèce que la demande reconventionnelle de GERMAIN a été introduite conformément aux dispositions légales précitées, de telle sorte qu’elle doit être déclarée recevable ;
Attendu d’autre part suivant l’article 7 susvisé que « l’action civile qui n’est pas fondée sur des moyens sérieux, celle qui est purement malicieuse, vexatoire ou dilatoire, constitue une faute ouvrant droit à réparation » ;
Mais attendu qu’il est établi en droit que tout exercice d’un droit n’est pas à priori abusif ; Qu’en droit civil, l’action ne saurait être qualifiée d’abusive, de téméraire et vexatoire que si son exercice ne révèle aucune utilité, aucun profit ou intérêt pour son titulaire ou auteur et dans le seul dessein de nuire à autrui, à moins qu’il ne s’agisse du recours à des moyens dilatoires à seule fin de retarder l’issue d’un procès ; Que le demandeur reconventionnel ne rapporte les preuves ni d’une quelconque volonté de nuire de la part de son contradicteur ni de l’existence des préjudices par lui allégués ; Qu’il s’ensuit que ces prétentions ne sont pas justifiées ; Qu’il convient dès lors de déclarer l’action de Monsieur GERMAIN recevable mais mal fondée et l’en débouter ;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard du demandeur et du défendeur et par défaut contre les intervenants forcés, banque W SA et société N, en matière civile et coutumière, et en premier ressort ;
Déclare l’action principale de sieur ALI X et la demande reconventionnelle de GERMAIN Y recevables ;
Les dit toutes deux (02) mal fondées et les en déboute ;
Condamne le demandeur principal aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
Et après lecture faite, signent le Président qui l’a rendu et le Greffier