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Documentation / Jurisprudence Tchadienne / Premières Instances



REPERTOIRE N° 509/13 DU 06/08/2013 - TPI DE N’DJAMENA - JUGEMENT CIVIL



REPUBLIQUE DU TCHAD
COUR D’APPEL DE N’DJAMENA
TRIBUNAL DE 1ère INSTANCE DE N’DJAMENA
REPERTOIRE N° 509/13 DU 06/08/2013
JUGEMENT CIVIL

Affaire : MAHAMAT X, représenté par SALEH ;
Contre : ABDEL Y ;
Objet : PAIEMENT RELIQUAT ET DOMMAGES ET INTERETS ;

À l’audience publique du Tribunal de première instance de N’Djaména, siégeant en matière civile et coutumière, et en premier ressort, tenue dans la grande salle des audiences du palais de justice de ladite ville, le 06/08/2013 par :

MK, Président ;
Assisté de Me DAL, Greffier ;
En présence de DN et BS, Assesseurs ;
Et YI, interprète ;

Il a été rendu le jugement dont la teneur suit :
Entre
MAHAMAT X, représenté par SALEH, demandeur comparant, ayant pour conseil cabinet GZ ; D’une part
Et ABDEL Y, défendeur comparant, ayant pour conseil cabinet DP ;
D’autre part
Sans que les présentes qualités ne puissent nuire ou préjudicier aux droits et aux intérêts des parties en cause, mais au contraire sous les plus expresses réserves des faits et de droits.

I) FAITS ET PROCEDURE

Par requête introductive d’instance en date du 31 Mai 2011, Monsieur MAHAMAT X, représenté par SALEH, a attrait le Sieur ABDEL Y devant le Tribunal de première instance de céans, aux fins de le voir condamner à lui payer la somme de 4.800.000 F (quatre millions huit cent mille francs) CFA à titre principal et la somme de 32.858.000 F (trente deux millions huit cent cinquante huit mille francs) CFA à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus, soit au total la somme de 37.658.000 F (trente sept millions six cent cinquante huit mille francs) CFA ;
Attendu qu’au soutien de sa demande le requérant expose sous la plume de son conseil, Cabinet GZ, qu’il a été victime d’un accident de circulation courant 2007 dont M. Z fut l’auteur ; Qu’après les examens médicaux il a été révélé par le Médecin traitant qu’il a subi une incapacité physique permanente (IPP) de 30% ; Que face à cette situation il a été convenu entre les parties que l’auteur de l’accident paie la somme de cinq millions cinq cent mille francs (5.500.000) F CFA afin de permettre à sa famille de l’évacuer sanitairement ; Qu’un engagement a été pris par l’auteur de l’accident et pour plus d’assurance, son chef de race, en la personne de ABDEL Y, s’est porté garant pour le paiement de cette somme et c’est ainsi qu’un acompte de 700.000 F (sept cent mille francs) CFA a été payé et M. Z devait rester redevable d’un reliquat de quatre millions huit cent mille francs (4.800.000) F CFA ; Qu’à l’échéance, M. Z, sous couvert de ABDEL Y ; a refusé d’honorer son engagement et a préféré disparaitre dans la nature ; Que Monsieur SALEH, son cousin, s’est vu dans l’obligation d’engager d’énormes dépenses pour assurer son suivi et ses soins ; Que compte tenu du fait que le débiteur principal se trouve introuvable, c’est à bon droit qu’il se retourne contre le « garant » qui est ABDEL Y pour réclamer ses dus et dommages et intérêts ;
Attendu que le défendeur, par le truchement de son conseil, cabinet DP, ne nie pas la réalité des faits allégués par son contradicteur, à savoir l’effectivité de l’accident en cause et son implication personnelle pour la résolution du litige ; Que cependant il conteste d’une part la validité de l’acte de « garantie » signé de lui ainsi que la régularité de la procédure intentée contre lui et, d’autre part juge l’action du demandeur vexatoire et abusive ;

II) DISCUSSION

A) Sur la validité de l’engagement de Monsieur ABDEL Y

Attendu que pour conclure à la responsabilité du Sieur ABDEL Y, le demandeur principal excipe l’acte de « garantie » signé du susnommé ABDEL Y par lequel celui-ci s’engage à « garantir le Capitaine M. Z » pour le paiement du 30% du certificat médical « suite d’un accident de circulation » ; Que puisque le débiteur principal, M. Z, a refusé d’honorer son engagement a préféré disparaitre dans la nature, c’est à bon droit qu’il se retourne contre le garant qui est AW, pour réclamer ses dus ainsi que les dommages et intérêts ; Attendu que le Sieur ABDEL Y sous la plume de son conseil, conteste la validité de l’acte de « garantie » qu’il a signé aux motifs entre autres que l’élément intentionnel fait défaut d’une part et que d’autre part il y a l’absence de mentions essentielles telles que les noms des parties concernées, la mention de la somme exacte, les signatures des parties ainsi que la date des signatures ;
Que suivant les dispositions de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés en son article 22 « la caution n’est tenue de payer la dette qu’en cas de non paiement du débiteur principal. Le créancier ne peut entreprendre des poursuites contre la caution qu’après une mise en demeure adressée au débiteur principal et restée sans effet » ; Que cela n’ayant pas été fait l’action en justice contre lui est injustifiée ;
Mais attendu qu’il est constant et de notoriété publique que les chefs de communautés ou chefs de race usent de leurs pouvoirs et leur autorité pour aider au règlement ou pour régler des litiges qui s’élèvent entre les individus appartenant à leur communauté ou ceux-ci et des personnes d’autres communautés ; Qu’il s’agit, au demeurant, d’une pratique coutumière susceptible de s’affranchir de tout formalisme juridique mais qui n’en génére pas moins des droits et obligation entre les parties intéressées ;
Attendu dans le cas d’espèce que le Sieur ABDEL Y ne nie nullement avoir pris un engament tendant à verser la somme de quatre millions huit cent mille francs (4.800.000) F CFA au requérant ; Que l’acte de « garantie » signé expressément de sa main est suffisamment explicite et exprime bien son intention de «  payer les 30% du certificat médical » et non seulement pour assurer la représentation de M. Z ; Qu’il résulte des pièces du dossier et des débats que l’énoncé des « 30% du certificat médical » fait référence non pas à un taux du coût dudit certificat mais plutôt l’incapacité partielle permanente dont la réparation a été évalué à 100 chameaux, soit 5.500.000 F CFA ; Que dès lors, Monsieur ABDEL Y ne saurait plus invoquer l’absence des mentions relatives à un montant de la créance, des signature, des noms et des dates pour s’exonérer ;
Qu’il y a, par conséquent, lieu de faire droit à la demande de Monsieur MAHAMAT X, représenté par SALEH ;

B) Sur le paiement des dommages et Intérêts au requérant

Attendu que le propre de l’indemnisation est de replacer la victime du dommage à l’état où elle se trouverait avant la survenance du fait dommageable ;
Attendu aux termes de l’article 1382 du code civil que ; « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par le fait duquel il est arrivé, à le réparer » ;
Attendu dans le cas d’espèce que les faits générateurs du dommage dont est victime Sieur MAHAMAT X ne sont ni contestables ni contestés ; Que le refus du Sieur ABDEL Y d’honorer ses engagements qu’il a pourtant librement consenti l’expose au paiement des dommages et intérêts et ce, conformément à l’article 142 du code civil qui dispose que : « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur » ; Qu’il convient de déclarer la demande de MAHAMAT X, représenté par SALEH fondée mais exagérée quant au montant ; Que le Tribunal dispose des éléments d’appréciation suffisants pouvant lui permettre de ramener le montant à de justes proportions, soit à la somme de un million cinq cent mille francs (1.500.000) F CFA à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus ;

C) Sur la demande de provision

Attendu que la condition essentielle pour l’octroi de la provision reste l’urgence ou le péril en la demeure ;
Attendu dans le cas présent que l’état de santé du requérant nécessite des soins supplémentaires, en l’occurrence une évacuation sanitaire d’urgence ; Qu’il convient de faire droit à cette demande d’exécution provisoire par lui sollicitée ;

D) Sur la demande reconventionnelle du Sieur ABDEL Y

Attendu que le Sieur ABDEL Y sollicite reconventionnellement la condamnation de Sieur MAHAMAT X, représenté par SALEH, à lui payer la somme de trois million cinq cent mille francs (3.500.000) F CFA à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus ;
Attendu qu’à l’appui de sa demande, il soutient, par le biais de son conseil, que l’action intentée contre lui par le susnommé MAHAMAT X est non seulement injustifiée mais encore vexatoire et abusive ; Qu’au demeurant, son statut de chef de communauté, ayant pour corollaire la confiance qu’il fait naître vis-à-vis non seulement des ressortissants de son ethnie mais aussi de ses nombreux pairs et autres collaborateurs, il en découle que dès lors qu’une procédure est intentée contre lui, sa crédibilité en est automatiquement impactée, ce qu ne peut que lui causer de sérieux préjudices ; Qu’ainsi, non seulement il a vu son honnêteté et son intégrité publiquement décriée mais par le fait de Monsieur MAHAMAT X il s’est engagé dans une procédure longue et couteuse et a été trainé abusivement en justice ; Qu’il sollicite réparation conformément aux articles 7 et 134 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’il résulte d’une jurisprudence établie que l’exercice d’un droit ne peut être constitutif d’abus de droit que lorsqu’il est fait sans intérêt ou sans utilité pour le titulaire et dans le seul dessein de nuire à autrui ; Que dès lors, le fait pour le Sieur MAHAMAT X, représenté par SALEH, de saisir les juridictions aux fins de réclamation des droits qui lui sont reconnus soit légalement soit conventionnellement et destiné à réparer des préjudices subis du fait des M. Z et son chef de race ABDEL Y, ne saurait être qualifié d’abus de droit ; Que Monsieur ABDEL Y ne peut donc plus se retrancher derrière des préjudices qu’il aurait lui-même subis ou se prévaloir de ses propres turpitudes pour repousser l’action en réparation intentée légalement et légitimement par son contradicteur ; Qu’il échet de déclarer son action reconventionnelle mal fondée et l’en débouter.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et coutumière, et en premier ressort ;
Déclare recevable la demande de MAHAMAT X représenté par SALEH ainsi que la demande reconventionnelle de ABDEL Y ;
Dit que la demande principale de MAHAMAT X est partiellement fondée ;
Condamne Monsieur ABDEL Y à lui payer respectivement les sommes de quatre millions huit cent mille francs (4.800.000) F CFA à titre de reliquat destiné à ses soins et un million cinq cent mille francs (1.500.000) F CFA à titre de dommages et intérêts pour tous préjudices confondus ;
Déboute MAHAMAT X du surplus de sa demande ;
Dit qu’il y a urgence ;
Ordonne l’exécution provisoire à hauteur du principal, soit la somme de 4.800.000 F CFA nonobstant toutes voies de recours ;
Dit la demande reconventionnelle de M. ABDEL Y mal fondée et l’en déboute ;
Condamne ABDEL Y aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé les, jour, mois et an que dessus ;
Et après lecture faite, signent le Président qui l’a rendu et le Greffier.